C’est quoi une coopérative d’habitation ?

La coopérative  est en fait une forme d’organisation d’entraide qui remonte à la nuit des temps. Les Romains la pratiquaient déjà et le Moyen-Âge grouillait de corporations de toutes sortes. En Suisse, elle participe quasi au mythe fondateur de la belle Helvétie et elle est définie dans le Code des obligations aux articles 828-926.

Il existe aujourd’hui de multiples formes de coopératives d’habitation, depuis la petite coopérative d’habitants qui ne gèrent que les quelques appartements de leur immeuble jusqu’à de vénérables et puissantes coopératives d’habitation qui gèrent des milliers de logements, en passant par diverses autres formes comme des fondations, société immobilières et anonymes sans but lucratif ou encore des logements des pouvoirs publics.

Leur point commun, c’est qu’ils incarnent tous des valeurs importantes telles que solidarité, entraide, gestion démocratique, but non lucratif, enracinement local et vivre ensemble. Leur nom commun à tous : le maître d’ouvrage d’utilité publique.

Être sociétaire d’une coopérative d’habitation, c’est se retrouver à mi-chemin entre le statut de locataire et de propriétaire : les membres d’une coopérative d’habitation n’achètent pas leur logement, mais ils en sont les copropriétaires par le biais de leurs parts sociales. C’est la raison pour laquelle on parle de « troisième voie du logement ».

Un brin d’histoire

La coopérative atteint un premier pic de popularité dans sa longue histoire dans la première moitié du 19e siècle. En pleine industrialisation, ce sont principalement des coopératives de production et de consommation qui éclosent des mouvements ouvriers, mais on y voit naître également les premières coopératives de construction et d’habitation. Leur but était avant tout de créer de meilleures conditions de travail pour la classe ouvrière et de construire des logements sains et abordables.

L’association faîtière coopératives d’habitation Suisse a quant à elle été fondée en 1919 afin de transmettre savoir-faire et aides financières au mouvement coopératif naissant. Une seconde grande vague de fondations de nouvelles coopératives d’habitation et de constructions a déferlé lors de la grande pénurie de logements qui a suivi la fin de la deuxième guerre mondiale (lire aussi Habitation 1-2018).

Depuis, le mouvement s’est quelque peu calmé. La période de haute conjoncture des années 60-70 a surtout profité aux promoteurs privés, dont les buts sont orientés sur le profit plutôt que sur la solidarité. Durant ces années-là, les coopératives d’habitation ont bien construit un certain nombre de grands ensembles locatifs, mais le grand boom était derrière. Durant les années 80, on a surtout vu naître de nouvelles formes de logement et d’habitation, dont les coopératives autogérées.

Les coopératives d’habitation ont connu un certain regain de popularité à la fin du 20e siècle, mais qui s’est limité à certaines régions comme Zurich et la Suisse romande. Pour en savoir plus sur l’histoire du mouvement coopératif et des maîtres d’ouvrage d’utilité publique en Suisse : armoup.ch/publications.

Une opportunité sur le marché immobilier actuel

Qu’en est-il aujourd’hui? En dehors de la région zurichoise, la part de marché immobilier aux mains des maîtres d’ouvrages d’utilité publique est en recul. Mais l’histoire a montré que chaque période de pénurie a redonné des ailes aux mouvements coopératifs et que de nombreuses coopératives d’habitation et autres fondations de logement d’utilité publique ont à chaque fois été fondées durant ces périodes difficiles.

Force est de constater que la pénurie de logements pointe durablement son nez dans les centres urbains, où les prix prennent méchamment l’ascenseur, renvoyant en périphérie urbaine la population aux revenus modestes et de la classe moyenne. Cette mauvaise conjoncture ne peut que jouer en faveur des maîtres d’ouvrages d’utilité publique et des coopératives d’habitation, qui peuvent jouer un rôle social de modération des loyers non négligeable.

Fonder une coopérative d’habitation

Hier comme aujourd’hui, fonder une coopérative d’habitation n’est pas sorcier. D’illustres exemples ne peuvent qu’encourager les intéressé-e-s à se lancer dans l’aventure, comme la Société Coopérative d’Habitation Lausanne (SCHL) : … fondée en 1920, elle n’a cessé de progresser et de grandir en poursuivant ses buts inchangés depuis sa création. Son élan constructeur au service de la qualité de vie n’a jamais faibli. Elle est aujourd’hui l’une des plus importantes coopératives d’habitation de Suisse, avec un parc locatif de plus de 2000 logements répartis dans la région lausannoise, un bilan d’environ 379 millions de francs et des loyers encaissés chaque année de plus de 29 millions de francs.

Et lorsque les coopératives sont membres de l’ARMOUP, elles bénéficient en plus de conditions cadres et de possibilités de financement plus avantageuses que celles auxquelles sont astreints les promoteurs orientés sur le seul profit. Un avantage à portée de main pour tous les maîtres d’ouvrage d’utilité publique.

Une forme juridique particulière

Pour fonder une coopérative, il faut donc commencer par se faire une idée claire des particularités juridiques de cette forme d’organisation. Elles sont définies précisément dans le Code des obligations aux articles 828-926.

En voici les points les plus importants :

  • On fonde une coopérative en approuvant les statuts (voir statuts types) lors d’une assemblée constitutive et en s’inscrivant au registre du commerce. Aucun acte notarié n’est nécessaire.
  • La coopérative doit être ouverte à de nouveaux membres et ne pas trop en compliquer l’accès.
  • La coopérative est organisée sur une base démocratique. Tous les membres disposent d’une voix à l’assemblée générale, indépendamment du nombre de leurs parts sociales.
  • La coopérative est une société à but non-lucratif. Le produit net est versé à l’organisation. Un éventuel intérêt sur les fonds propres ne doit pas dépasser les 6%.
  • Les membres sortants ne profitent pas de la plus-value de la coopérative. Tout au plus peut-on prévoir dans les statuts que le capital libéré soit remboursé à sa valeur nominale.
  • En règle générale, seule la coopérative est responsable de son capital.
  • La fortune de la coopérative, qui reste après extinction de toutes les dettes et remboursement de toutes les parts sociales à leur valeur nominale, est entièrement versée à un organisme poursuivant les mêmes buts.

Cette forme juridique est très avantageuse pour les locataires respectivement pour les sociétaires :

  • Les coopératives d’habitation sont des sociétés à but non-lucratif. Elles facturent des loyers à prix coûtant, qui couvrent les coûts effectifs. Plus de détails sur les loyers à prix coûtants dans les statuts types. C’est la raison pour laquelle les loyers des maîtres d’ouvrage d’utilité publique sont en général nettement inférieurs à ceux du reste du marché immobilier.
  • Les membres participent aux décisions de la coopérative, lors de l’assemblée générale ou en s’engageant dans divers organes de la coopérative.
  • Les sociétaires-locataires bénéficient d’une grande sécurité d’habitation et sont particulièrement bien protégés contre toute rupture abusive de bail.

Certaines coopératives d’habitation veillent à offrir à leurs locataires un mode d’habitat privilégiant le vivre ensemble en organisant des fêtes, des activités communes et autres prestations sociales.