Comment diriger une coopérative d’habitation ?

Il existe une grande variété de coopératives d’habitation. Depuis la petite coopérative d’habitants qui gère une poignée de logements à la grande coopérative d’habitation qui en gère des milliers, on trouve de tout, y compris des fondations, des sociétés immobilières et anonymes à but non-lucratif ou encore des logements en main des pouvoirs publics. Leur point commun, c’est qu’ils incarnent tous des valeurs importantes telles que solidarité, entraide, démocratie, enracinement local, vivre ensemble et bien commun.

La plupart sont des maîtres d’ouvrage d’utilité publique (MOUP) et en Suisse romande, bon nombre d’entre eux sont membres de l’ARMOUP. Certains MOUP ne possèdent parfois même pas encore d’immeubles, mais se sont constitués en coopérative ou en fondation dans le but manifeste d’en construire ou d’en acheter.

La faitière Coopératives d’habitation Suisse a également élaboré en collaboration avec l’association régionale de Zurich un guide de bonne gouvernance, qui détaille les principes directeurs, champs d’action et instruments pour une bonne gestion d’entreprise taillée sur mesure pour les MOUP. Très utile pour disposer de quelques règles de base pour s’organiser en toute simplicité et transparence.

La coopérative d’habitation type n’existe pas : ce qui fait la richesse du mouvement coopératif, c’est sa grande diversité. Mais quelle que soient leur taille, leur histoire et leur culture, leur philosophie et leur mode de fonctionnement, une chose est essentielle : elles doivent toutes être gérées de manière professionnelle, avec des buts et des responsabilités bien établies et juridiquement contraignantes.

Diriger avec doigté et créativité

Diriger une coopérative d’habitation est une tâche exigeante – mais gratifiante. Une fois que les étapes de la fondation, du financement et de la construction sont passées, il s’agit désormais de gérer tout cela avec doigté et créativité. Il faut savoir contenter une grande diversité d’habitants et mettre en place un cadre de vie épanouissant pour des gens de toutes générations, cultures et couches sociales. Il faut bien entretenir les immeubles et les adapter aux normes écologiques et sociales dominantes. Et si la coopérative d’habitation veut contribuer à maintenir ou augmenter la part de marché immobilier aux mains des MOUP, elle doit veiller à grandir, trouver un nouveau terrain à bâtir pour construire de nouveaux immeubles ou densifier les immeubles existants.

Où trouver le savoir-faire ?

Si coopératives d’habitation Suisse est la plus importante fédération faîtière de coopératives d’habitation en Suisse, l’ARMOUP en est l’association régionale pour la Suisse romande. Avec son secrétariat à Lausanne, l’ARMOUP soutient ses membres avec une large palette de services : documents et formulaires modèles à télécharger, des cours de formation et divers types de coaching individualisés.

Mais avant de vous précipiter au secrétariat, voici déjà une série de bons conseils qui vous donneront un bon aperçu de la meilleure manière d’organiser dans les grandes lignes votre coopérative d’habitation.

Comment s’organisent les coopératives d’habitation ?

Afin de garantir une gestion professionnelle de votre coopérative, nous vous recommandons d’établir un règlement dans lequel vous définissez clairement les différents organes de la coopérative, ainsi que les différentes responsabilités et procédures de travail. Cela vaut bien sûr également pour les petites coopératives. Vous pouvez vous procurer un règlement d’organisation ici.

Gestion stratégique

La gestion stratégique est le cœur d’activité d’un conseil d’administration, qui se compose d’au moins trois (nous en recommandons entre cinq à sept) membres élus par l’assemblée générale pour un mandat durant entre deux et quatre ans. C’est le conseil d’administration qui assume la direction stratégique de la coopérative. Voici ses tâches principales :

  • direction générale de la coopérative (développement des objectifs stratégiques, détermination des moyens nécessaires, contrôle des exécutants) ;
  • mise en place de l’organisation (règlement d’organisation) ;
  • direction financière (comptabilité, contrôle financier, plan financier) ;
  • mise en place et suivi de l’organe de direction ;
  • élaboration d’un rapport d’activités ;
  • préparation et convocation de l’assemblée générale (AG). Les dates et les règles de procédure de l’AG sont définis dans les statuts de la coopérative (voir aussi statuts types, Art. 25ff).
  • information du juge en cas de surendettement ;
  • le respect de la loi et des statuts ;
  • autres tâches selon les statuts.

Le conseil d’administration est dirigé par le président ou la présidente de la coopérative, qui est également responsable de la direction des membres du conseil d’administration et de la direction de la coopérative.

CONSEIL : Nous vous recommandons également de créer des commissions spéciales au sein du conseil d’administration ou de répartir clairement les compétences entre les membres du conseil : une commission des finances, une commission de construction, un-e responsable protocolaire, et éventuellement une commission pour la communication.

Il faut bien se rendre compte que le travail du conseil d’administration n’est pas une sinécure : le travail ne manque pas et les responsabilités sont lourdes. Le conseil d’administration ou certains de ses membres peuvent être poursuivis en justice pour des paiements erronés des primes d’assurance sociale, pour des préjudices dus à des prestations d’assurance non payées, pour manquement au devoir de diligence ou encore pour tout élément d’infraction pénale en général. Il est heureusement possible de s’assurer en partie contre ces risques.

Indemnités

Les membres du conseil d’administration ont droit à des indemnités pour leur engagement et leur responsabilité. Le montant des indemnités n’est pas prescrit par la loi, mais devrait être « raisonnable » et correspondre aux prestations réellement fournies. Une participation au bénéfice, c’est à dire la rémunération des tantièmes, n’est pas autorisée. Cette interdiction doit être précisée dans les statuts. Rémunérer exagérément les membres du conseil d’administration revient à contourner cette interdiction. Les indemnisations des membres du conseil d’administration de la coopérative devraient figurer séparément comme charges sur le compte de pertes et profits.

Gestion opérationnelle

La gestion opérationnelle de la coopérative, donc les affaires courantes, est du ressort de la direction de la coopérative. Nous vous recommandons de bien séparer les niveaux stratégiques et opérationnels dans la gestion de la coopérative – même si cela semble un peu artificiel pour des petites coopératives, gérées bénévolement, contrairement aux grandes coopératives, qui emploient toute une équipe de direction salariée.

Quels sont les instruments de gestion ?

Toutes les fonctions, responsabilités, représentations et autres signataires devraient être dûment mentionnés dans le règlement d’organisation de la coopérative. Les statuts et la charte de la coopérative constituent également d’importants outils de gestion. La charte contient notamment les valeurs fondamentales de la coopérative : quelle est son image, qu’est-ce qui compte pour elle, quelles valeurs fondent son action, à qui s’adresse-t-elle ? Il est important aussi que le conseil d’administration fixe par écrit des objectifs à long terme (p. ex. augmenter le nombre de logements pour familles, augmenter le parc immobilier de 20%, réduire la consommation énergétique, etc.) ainsi que des objectifs annuels, et que ces objectifs soient régulièrement évalués.

Pour les petites coopératives

Une gestion professionnelle implique en outre de se donner un cadre de fonctionnement adéquat. D’importation anglo-saxonne, on désigne cette pratique de « corporate governance » ou gouvernance d’entreprise. Par ce néologisme, on entend tous les principes qui assurent une gestion responsable et orientée sur des projets. Ces principes fondamentaux sont particulièrement importants pour les coopératives d’habitation, car ils concernent autant les objectifs économiques que sociaux de la coopérative, et sont en plus appréciés et reconnus par les autorités publiques. En se dotant d’une gouvernance d’entreprise, vous vous donnez les moyens de parler le même langage que les autorités publiques et vos bailleurs de fonds, et vous affichez compétence et transparence, ce qui, de nos jours, est gage de confiance.

Pour les grandes coopératives

On parle de grande coopérative d’habitation quand au moins deux des trois critères suivants sont dépassés durant au moins deux ans :

  • plus de 50 postes à plein temps
  • total du bilan d’au moins 10 millions CHF
  • chiffre d’affaires de 20 millions CHF

Pour ces grandes coopératives d’habitation, le règlement d’organisation et une gouvernance d’entreprise ne suffisent pas. Elles doivent également se doter d’un système de contrôle interne (SCI). Les organisations modestes peuvent se contenter d’une analyse de risque annuel, mais un SCI peut aussi leur être utile. Le SCI est un bon outil de contrôle interne, qui définit les procédures et les compétences, ainsi qu’une séparation claire des fonctions. Il permet également de bien définir les risques et de garder un œil sur des procédures particulières où une personne peut p. ex. déclencher à elle seule des transactions importantes. Dans les grandes organisations, un organe de révision doit vérifier l’existence d’un SCI. Selon le nouveau droit de révision, elles sont également soumises à une révision ordinaire. Les moyennes coopératives d’habitation peuvent se contenter d’une révision restreinte et les petites, d’un examen annuel. Pour les petites et moyennes coopératives, les experts de coopératives d’habitation Suisse proposent leurs services (en allemand) pour effectuer des révisions restreintes et des examens annuels.